Textes


Exposition Etendues - Galerie Les Bigotes, Vannes - 2023

Paysages

Le paysage étant lié à l’idée que l’on se fait d’un territoire, je le dessine dans l’état où je le trouve, en y inscrivant plusieurs points de vue, en y recherchant la nature de mon lien aux choses et aux êtres, ainsi que les liens que j’entretiens avec le décor de mon existence. Le paysage n’existe pas sans l’homme, sans l’intention de son regard, qui en actionne le cadre. Et à mon sens le paysage, né du regard porté sur un espace, reste une affaire intime et subjective, une relation au monde sensible.

Mes représentations s’élaborent à partir de traversées ou de trajets effectués, l’appréciation d’un espace dépendant de la manière de le parcourir. La saisie sensorielle résulte du rythme du déplacement, de la fatigue éprouvée, de la plus ou moins grande disponibilité procurée par les conditions matérielles ou atmosphériques. Par le dessin, je tente de restituer une émotion ou une sensation découverte en fréquentant un lieu; en éliminant l’anecdote et le pittoresque, l’enjeu est de saisir la vastitude, la singularité ou l’étrangeté de ces territoires.

Chaque travail est construit d’après des croquis ou des prises de vue photographiques, décomposées, recadrées et recontextualisées. Mes dessins aux formats parfois panoramiques ne tendent pas à des représentations mais à des allusions; dans le traitement graphique, le détail est adouci au profit d’une vue synthétique, les opacités et la monochromie affirmée contribuent à assourdir l’image dans un climat crépusculaire, énigmatique. Les surfaces aux noirs profonds et veloutés, les textures poudreuses et l’écriture délicate permettent d’accomplir un mouvement qui va de l’apparence à l’apparition. En privilégiant le feuilleté de la vision, le flou et l’à-peu-près sont des alliés précieux pour laisser discerner, approcher le paysage.

Si des espaces de visibilité existent, un imaginaire est développé en exploitant toute la richesse du domaine de l’image. Le paysage est alors conçu comme un espace dans lequel le regard peut déployer toute sa plénitude. Atemporelles et apaisées, ces configurations d’espaces vides peuvent aussi laisser entrevoir une structure narrative possible et des références cinématographiques lointaines.

/ Octobre 2023





Exposition Fausse Piste - Galerie Tal-Coat - Artothèque d'Hennebont
Newsletter - avril 2021







Exposition Fausse Piste - Galerie Tal-Coat - Artothèque d'Hennebont - 2021












Exposition Paysages contemporains - Centre d'Art de Kerguéhennec - 2016

Paysages contemporains, une longue histoire (extrait du catalogue de l'exposition)

Avec 'paysages - architectures', le parcours s'achève, à cet étage, face à des paysages construits, souvent industriels, qui renvoient autant à une dimension architecturale qu'à une activité économique (B. & H. Becher), paysage maritime, constructions portuaires (G. Prévost, Y. Salomone). Le traitement du paysage se matérialise ici par une volonté de prendre en charge tous les aspects du réel et de s'émanciper des visions idéalisées de la nature. Il souligne ainsi l'activité humaine qui modifie durablement le paysage naturel. Il naît d'une volonté d'enregistrer les traces et replace l'homme dans le monde. (...)






Exposition Dessin & Dessins - Centre des Arts de Douarnenez - 2014

L'horizon rétréci

Le paysage tel que je le conçois est à la portée de l'homme. Il est un lieu de réflexion qui ne cesse de dépasser sa propre description, il est l'objet d'un regard critique sur l'état du monde et sur la notion même de genre qui lui sert très souvent de camouflage... Les productions deviennent des images d'images, car il s'agit de partir d'une réalité qui peu à peu se délite, et qui est emportée dans la fiction du dessin.

Les paysages actuels constituent des séries et sont traités par fragments. Ce sont des scènes sans intérêt apparent, mais qui laissent entrevoir des drames, bouleversements, mutations. De prime abord attirante, l'image proposée peut devenir glaçante lorsqu'on l'examine de près; ce sont souvent des territoires menacés par l'expansion urbaine, transformés par les activités économiques ou technologiques, et qui semblent avoir été désertés par l'humain.

Rivages pollués d'un fleuve, équilibre fragile des mangroves, éboulements d'amas rocheux... Si ces désastres environnementaux mettent à nu les coulisses de notre société, ses mécanismes apparents et dysfonctionnements cachés, ses inégalités latentes ou failles sous-jacentes, ils devraient conduire à reconsidérer nos cultures et nos prospectives; 'l'accident est la face cachée du progrès scientifique et technique' selon Paul Virilio.

L'accident révèle la substance, et ici la matière n'est que pierre noire diffusée sur le papier. En présentant un évènement à priori de peu d'envergure - l'éruption anticipée d'un volcan - mais qui progressivement s'amplifiera de façon incontrôlable et mettra en évidence notre impuissance tout en nous rendant aveugle, ces paysages denses ou volatils, flous et poudreux, offrent une double lecture : ils renforcent la réalité physique et tangible du support tout en tenant le motif à distance du regard.

Guy Prévost – novembre 2013






Exposition Autour de l'oeuvre de Jean-Pierre Le Bozec
L'art chemin faisant ... 2012 - Pont-Scorff

Regards - Paysages

'Je n'ai découvert la réalité qu'au moment ou j'ai commencé à la filmer, et à agrandir la dimension des choses et des visages qui m'entourent. J'ai tenté de découvrir ce qui se cachait derrière leur apparence. Car derrière chaque image révélée nous savons qu'il se cache une autre plus proche de la réalité, et que derrière celle-là s'en cache une autre encore plus fidèle... Je n'ai rien fait d'autre durant ma vie de cinéaste' - Joseph Mankiewicz (à propos de La comtesse aux pieds nus).

Lorsque je m'interroge sur mon intérêt pour le paysage, lorsque je tente d'y trouver une origine, me reviennent souvent des images de regards, cadrés serrés, d'une grande intensité. Certains, issus du cinéma, ont été fondateurs. Des regards-expressions, des regards-paysages, ces yeux filmés comme les immensités qu'ils contemplent, et vibrant sur l'écran en une immatérialité lumineuse qui s'apparentait à de fines couches diluées de pigments.
Il existe un lien entre le visage d'Abu (Le voleur de Bagdad, de Michael Powell) et le paysage désert qu'il observe; ces deux surfaces, ou ces deux 'paysages', ont un point commun, et leur succession et juxtaposition à l'écran fait sens. Comme dans le principe anthropomorphe, une double-lecture est proposée: le regard et le paysage sont entremêlés, le personnage fait alors partie intégrante de la nature.
Sur la toile, en procédant par analogies formelles et en traitant ces regards horizontaux comme des paysages latéraux, je tente des associations, j'appréhende ces registres différents de la même manière; si le visage est un paysage, le paysage peut devenir un portrait.

Jean-Pierre a été mon professeur de dessin dès mon entrée à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes en 1983. Trois ans après, il créait l'atelier Dessin de l'école; acte d'importance, puisqu'il revendiquait cette pratique comme un art autonome, replaçait ses enjeux comme légitimes.
Son enseignement, basé sur la recherche et l'incitation à produire, restait ouvert sur les autres formes d'art tout en demeurant exigeant quand à ses propres constituants. Un leitmotiv revenait souvent: 'Il faut se donner les moyens de réaliser son projet'.
En quelques années, aux côtés de Pierre Dault et de Gérard Baldet, Jean-Pierre a été le professeur qui m'a offert le dessin comme un domaine d'investigation sans limites, en me donnant envie d'y trouver ma place.
L'acuité de son regard, son attention et sa générosité, la précision de ses analyses ont été de vrais atouts dans la constitution de ma démarche créative.

Guy Prévost - février 2012






Exposition Tracer l'espace - FRAC Bretagne - 2009

Guy Prévost : Tracer l'espace et refaire le Monde

Guy Prévost a fait ses études à l’école des Beaux-Arts de Rennes. Il est à l’origine peintre, aux influences multiples ; de l’art classique, Titien, Poussin, Rubens, il retient l’importance du dessin, de la structure et de la composition. La rencontre essentielle avec l’Expressionnisme abstrait américain lors d’un séjour à Detroit et Chicago (en 1987) lui permet d’affirmer la présence physique et spatiale de sa peinture. Son installation à Lorient lorsqu’il devient enseignant à l’école des Beaux-Arts correspond en partie à un changement d’orientation dans son travail. Il explore un nouveau rapport à l’espace et produit de grands panoramiques de vues paysagères ou urbaines. Des photographies sont le point de départ de ces ensembles dont l’artiste pense avec précision la composition. Les images sont fragmentées puis reconstruites sans souci documentaire. Si la peinture semble délaissée au profit du dessin, ce n’est qu’en apparence. La technique choisie par Guy Prévost, celle de la pierre noire (schiste au grain très fin et serré) pour ancienne qu’elle soit et plutôt traditionnellement dévolue aux esquisses, offre des qualités de rendu du noir tout à fait picturales.
Panoramique est un bon exemple de ce travail qui articule la rigueur de la structure, la maîtrise de la construction de l’espace sans renier le traitement sensible des surfaces, la présence physique de la peinture.
La relation à l’espace, à l’architecture qui sous-tend de nombreuses œuvres de la collection (Knifer, Nemours ou Wilson-Pajic par exemple) est l’un des axes qui offre une inscription cohérente au travail de Guy Prévost.

B.C./ Frac Bretagne





1 commentaire:

  1. Magnifique oeuvre. Travail sensible et intelligent. Heureuse de profiter de quelques uns de ses fragments en ma maison.

    RépondreSupprimer